Ajouter de la valeur au Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP)

Image: Flickr, waf1on1
Image: Flickr, waf1on1

Le 22 septembre 2008, les Nations Unies ont tenu à New York une rencontre de haut niveau sur « Les besoins de développement de l'Afrique ». On allait privilégier les thèmes que sont le développement de la gouvernance et la gouvernance du développement. Et rien n'est plus significatif à cet égard que le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP).

Il y a sept ans, le MAEP était à peine une idée. Une seule phrase, dans le document de 2001 soulignant la création du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (Nepad), parlait de « mettre en place des mécanismes pour examiner les progrès réalisés à l’égard des cibles fixées mutuellement et la conformité aux normes mutuellement convenues ». Aujourd’hui, 29 pays africains, représentant plus de 75 % de la population du continent, ont adhéré volontairement à ce système innovateur d’auto-surveillance de la gouvernance d’une part; et à une initiative de réforme d’autre part. L’adhésion du Togo, en juin 2008, est la plus récente. Le rythme des évaluations s’est accru de façon remarquable au cours de l’année dernière. Après un départ plutôt lent, trois rapports d’évaluation étaient prêts pour que les chefs d’État participants puissent en discuter à la plus récente réunion du Forum du MAEP à Sharm-el-Sheikh, en Égypte, en juin. En raison d’un ordre du jour chargé, on n’a pu discuter à fond que du rapport de l’Ouganda, les rapports du Burkina Faso et du Nigeria étant reportés à une réunion extraordinaire du forum, qui se déroulera plus tard en 2008. Cela portera à neuf le nombre d’États africains « évalués par les pairs » – ayant soumis pratiquement toutes les facettes de la gouvernance dans leur pays à un examen minutieux par leurs propres citoyens, par des experts africains et, en fin de compte, par des pairs chefs d’État, pour en arriver à des plans qui visent à résoudre les problèmes de la gouvernance. Ce système complexe n’a pas de précédent dans le monde. Alors, où a-t-on ajouté de la valeur? Et comment serait-il possible de renforcer le processus?

Le pouvoir du peuple. Le MAEP requiert des pays adhérents qu’ils fassent participer leurs citoyens à l’évaluation des forces et des faiblesses de leurs systèmes de gouvernance politique, économique et des entreprises ainsi que des politiques en matière de développement socioéconomique, et qu’ils leur demandent de proposer des solutions. Les directives publiées en 2003 spécifient que « Le processus du MAEP est conçu de façon à être ouvert et à favoriser la participation de tous. Un processus de participation permettra au MAEP d’engager des partenaires clés qui faciliteront échanges d’informations, dialogues nationaux sur la bonne gouvernance et les programmes socio-économiques; ainsi sera accrue la transparence des processus de décisions et bâtie la confiance en la poursuite des objectifs de développement national. ». Bien que truffées du jargon du développement, ces directives ouvrent un espace politique autant pour les gouvernés que leurs gouvernants. L’évaluation par les pairs cherche à rendre la franchise, les débats énergiques, les divergences d’opinion et les critiques moins menaçants et plus acceptables en Afrique. Plus il y a de citoyens à demander une meilleure gouvernance, plus on répondra à la demande. Dans ce sens, le trajet est aussi important que la destination. Si l’on exécute ce processus de façon juste, les populations de l’Afrique y trouveront leur intérêt.

Cerner les problèmes. La force diagnostique des rapports d’évaluation par les pairs a été démontrée. Ces rapports ont signalé à la fois la violence ethnique causée par les élections au Kenya après décembre 2007 et les tensions xénophobes qui ont éclaté en Afrique du Sud en mai 2008. Leurs recommandations – qui n’ont ni force obligatoire ni force exécutoire – ont été ignorées. L’analyse des six rapports publiés (Ghana, Rwanda, Kenya, Algérie, Afrique du Sud et Bénin) révèle de nombreux problèmes communs, y compris la gestion de la diversité, la restriction de la corruption et le renforcement des institutions de responsabilisation. Même si les rapports ne révèlent pas souvent de l’information nouvelle, ils peuvent mettre en évidence les domaines d’intervention clés, et ont la capacité de démêler les efforts enchevêtrés de réforme nationale en proposant des délais, des budgets et une surveillance réalistes.

Susciter la réforme et la célébrer. Les premiers pays à avoir adhéré au MAEP (les « pionniers ») mettent en oeuvre depuis plusieurs années leur Programmes d’action du MAEP (PA). Tous peuvent faire état de gains concrets en matière de gouvernance. Le Ghana peut se réjouir de la réduction de la taille de son cabinet et de l’adoption d’un projet de loi, en attente depuis longtemps, qui vise à protéger les dénonciateurs et à promouvoir l’accès à l’information. Ce sont des conséquences directes des recommandations du MAEP. Le Rwanda est en plein coeur de réformes fondamentales de son environnement des affaires. Le Kenya peut n’enorgueillir de nouvelles lois adoptées, par exemple sur la protection des témoins et sur les marchés publics, de nouveaux fonds pour favoriser le développement des jeunes et des femmes, et de l’ébauche d’une politique nationale d’aménagement du territoire élaborée à la suite de consultations. En Afrique du Sud, certains problèmes soulignés par le MAEP, tels que le financement privé non réglementé des partis politiques et le changement d’allégeance politique au parlement, ont été désignés pour faire l’objet d’une réforme. Bien entendu, un bon nombre des problèmes cernés sont complexes, et il faudra plus de temps pour constater de réels changements. Il est donc primordial de montrer où et comment le mécanisme fait changer des choses. Les structures nationales et continentales devraient s’employer davantage à documenter, publiciser et célébrer les réussites du MAEP – petites et grandes – afin de continuer sur leur lancée, à susciter l’intérêt et recueillir des appuis.

Aborder les problèmes techniques. À mesure que s’accroîtra le nombre des pays qui adhèrent et progressent, le système administratif subira de plus en plus de pressions. Au rythme actuel, il faudrait une autre décennie pour compléter l’évaluation des 20 pays qui attendent, sans compter tout nouvel arrivant ou les pays pionniers en attente de leur deuxième évaluation. Il faudrait aussi remettre en question le fait de tenir les forums la veille des Sommets de l’Union africaine. Certains présidents arrivent en retard, la réunion se déroule en même temps que celle du Comité des chefs d’État et de gouvernement chargé de la Mise en oeuvre du NEPAD, et d’autres affaires urgentes interviennent souvent – telles que la crise du Zimbabwe à Sharm-el-Sheikh. Et le temps manque pour discuter des rapports de mise en oeuvre des pays pionniers. Ce manque de surveillance des progrès est grave.

Revitaliser la gestion. Il faut se presser de reconstituer le Panel – puisque le mandat du premier est échu depuis longtemps en vertu des règlements du MAEP – afin de garantir la durabilité et une progression soutenue. Une direction solide, intègre et transparente, sera essentielle pour maintenir la confiance à l’égard d’un processus qui a un potentiel énorme.

Remerciements à Bernard Taylor du Partenariat Afrique Canada pour leur contribution à la version traduite en français.

The views expressed in this publication/article are those of the author/s and do not necessarily reflect the views of the South African Institute of International Affairs (SAIIA).